22/06/2015
J.Roda sur Festival des Musiques sacrées, CR réunion DCP n°5 (2014-15)
En ce 22 juin 2015, Jessica Roda (ci-contre), post-doctorante à l'UQAM (Montreal) a conduit le programme GSRL "Dieu change à Paris" dans une passionnante réflexion intitulée :
"Processus et enjeu de la mise en scène du religieux : entre politiques culturelles et discours sur la laïcité, l'exemple d'un festival parisien (2010)"
Le festival en question est le Festival des Musiques Sacrées de Paris, qui a connu cinq éditions entre 2008 et 2012.
Devant les sept personnes présentes, elle a détaillé les conditions de son terrain, réalisé en 2010.
Elle a explicité sa problématique, qui intègre les enjeux de mise en scène du religieux à travers un festival municipal et, plus largement, les questions de politique culturelle. Le Festival parisien est le résultat de l'initiative de douze citadins du XIIIe arrondissement, qui ont obtenu le soutien de la mairie et ont pu ainsi "créer l'événement", à partir du modèle représenté par le grand Festival des Musiques Sacrées de Fez, au Maroc. A noter que des festivals similares se sont développés aussi à Québec, à Jérusalem, à Aix-en-Provence.
Le "sacré" efface le religieux
Comment le religieux est mis en scène de manière performantielle, au-delà du discours? Une des conclusions fortes à laquelle aboutit la chercheure est que le "sacré" oblitère le "religieux", soigneusement évité. On utilise le terme pour s'opposer au religieux, on sort ainsi du communauraire pour rejoindre le terrain mystique, spirituel, individuel.
Evitant tout enjeu confessionnel, dans le contexte sécularisé et laïque qui est celui des sociétés parisiennes, l'axe du "sacré" s'avère plus fédérateur. Les trois monothéismes sont conviés, avec une prépondérance du registre judéo-espagnol. Illustré par des vidéos très éclairantes qui permettent d'apprécier les performances musicales et scéniques, et de remarquer la présence de femmes (ce qui n'est pas forcément possible si les institutions religieuses sont directement impliquées), le propos souligne les biais choisis.
"Le sacré appartient à tous les parisiens" (H. Bouakkaz)
Le "sacré" apparaît comme un mot-valise, qui recouvre des expressions musicales qui n'ont pas forcément, en réalité, de lien directe avec une expérience "sacrée. Il est convié ici pour sa capacité de rassemblement. Dans une des vidéos montrées, Hamou Bouakkaz, alors conseiller de Paris, souligne : "Le sacré n'appartient pas aux croyants, il appartient à tous les parisiens". Quant à Ghaleb Bencheikh, il exalte le pouvoir d'apaisement de la musique, et sa force de "communion" universelle.
Le sacré est mis en avant sous le signe de la culture partagée, à l'instar du Maire du XIIIe arrondissement qui déclare, lors de la soirée du dimanche : "la culture partagée est le principal gage de la tolérance".
Transmettre un message de vivre ensemble, de tolérance, de dialogue, est au coeur de la vocation du festival, plus spécialement sur l'axe des relations entre juifs et musulmans. Le territoire géographique et temporel qu'est l'Espagne médiévale est utilisé comme un emblême.
Jessica Roda a terminé son très riche exposé, suivi d'un débat, par les cinq points conclusifs suivants:
-Concept de contact porté par la performance musicale, concept de super-diversity (Stephen Vertovec).
-L'absence du religieux
Le sacré remplace le religieux
-La musique, médiateur privilégié pour rendre tangible l'immatérialité du sacré
-Appropriation et institutionnalisation du discours majoritaire sur le religieux et sa place dans l'espace public
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