01/11/2011
Réunion DCP (2011-2012) n°1 (S.Fath) : CR
Par annonce courriel (que nous avons oublié de répercuter sur ce blog), la réunion n°1 pour l’année 2011-2012 de notre programme Dieu Change à Paris avait été prévue pour le 27 octobre 2011.
La réunion a bien eu lieu à 14H30 dans les locaux du GSRL (rue Pouchet à Paris). Elle a permis un tour de table, un début de programmation pour l’année à venir, et une réflexion à partir d’un terrain parisien marqué par l’impact migratoire. Elle a été présentée par Sébastien Fath (ci-contre).
Voici le titre de son exposé : "l'impact de l'immigration sur les recompositions de la sociographie d'une église locale parisienne, étude de cas".
L’objet de cette étude est d’étudier la perception, par les fidèles d’une communauté parisienne, des modifications démographiques induites par l’impact de l’immigration et de la globalisation. Comment cette diversification est-elle vécue, appréciée, décrite? En filigrane, ces questionnements sont aussi l’occasion de lever le voile sur les modes de régulation (explicites et implicites) de cette diversification.
Terrain protestant baptiste parisien
Pour cela, l’auteur a construit son étude de terrain à partir d’une Eglise baptiste parisienne implantée depuis plus de 110 ans dans Paris intra-muros (au 123, Avenue du Maine).
Il a combiné étude des sources écrites, entretien qualitatif avec le pasteur actuel (Richard Gélin) et questionnaire: 58 questionnaires (une double page et 13 questions) ont été remplis le 17 mai 2009, après la possibilité d’une explication orale, devant l’assemblée, afin d’éviter les malentendus. Les questions ont ensuite été l’objet d’une mise en forme sérielle, et de quelques tris croisés qui permettent d’aller au-delà des résultats bruts, afin de déterminer d’éventuelles causalités cachées.
D'une communauté 100% européenne à une communauté à 80% afro-caribéenne
La première partie de l’exposé a été consacrée à l’historique de cette communauté, marquée par un rôle de «prestige» et de «vitrine» au sein du baptisme parisien. L’Eglise baptiste de l’Avenue du Maine n’a-t-elle pas donné quatre présidents à la Fédération Baptiste (structure nationale rattachée à la Fédération Protestante de France)?
L’évolution historique de la composition démographique de l’assemblée a également été décrite, passant d’une communauté 100% européenne (à la fin du XIXe siècle) une Eglise environ à 80% afro-antillaise (en 2011).
Soutien à la valorisation de la diversité
La seconde partie a présenté les résultats bruts du questionnaire, qui mettent en lumière la diversification démographique et culturelle de l’Eglise, et un soutien explicite très fort à la valorisation de cette diversité. A noter que parmi les «lieux» où la diversité est considérée comme le mieux ressentie, le culte dominical (30 réponses) et les repas partagés (29 réponses) arrivent très loin devant les études bibliques de semaine (8 réponses) ou la musique (seulement 3 réponses).
Le constat, au terme de ce premier niveau d’analyse, est le suivant: un large assentiment des fidèles se dégage face au soutien à la diversité culturelle, et une nette majorité considère que l’Eglise parisienne en question est plutôt en avance sur le reste de la société en matière de valorisation de cette diversité. On pourrait croire, au vu de ces résultats, que «tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes» de la diversification démographique.
Est-ce vraiment le cas ? Pour y voir plus clair, Sébastien Fath propose, dans une troisième et dernière partie, de procéder à quelques tris croisés, afin de cerner de plus près, à partir des échantillons du questionnaire, quelles sont les logiques sous-jascentes.
Tous les tris croisés ne sont pas significatif. Mais l’un d’entre eux (voir figure ci-dessous) donne des résultats révélateurs. Il a été effectué à partir de l’échantillon (minoritaire) qui considère que la diversité culturelle doit être ignorée. Qui est représenté dans ce public, et dans quelles proportions ?
Ce que montrent ces données, c’est qu’une proportion de Français blancs métropolitains nettement supérieure à leur part dans l’assemblée considère… qu’il faut ignorer la diversité culturelle (41%). A l’inverse, on observe aussi qu’une proportion de fidèles d’origine africaine nettement inférieure à leur part dans l’assemblée (24%) considère la même chose.
Ce qui veut dire la chose suivante : plus on est Européen et blanc, plus on a tendance à vouloir ignorer la diversité culturelle. Et plus on est Africain et noir, plus on a tendance à souhaiter la voir valorisée…
Ces données sont confirmées, par ailleurs, par les entretiens qualitatifs, qui mettent en lumière une stratégie implicite de la Fédération Baptiste, depuis les années 1980, à préserver un pastorat blanc et européen, au détriment d’autres options (pasteur haïtien dans les années 1980, ou pasteur antillais dans les années 2000).
Besoin d'autres enquêtes de ce type
En conclusion, prolongée par une discussion fructueuse avec l’auditoire, s’affirme la nécessité de procéder à d’autres études de ce type, afin de pouvoir progressivement effectuer des comparaisons.
En effet, on ne saurait trop rappeler que l’impact migratoire sur le terrain religieux parisien ne se limite pas à la création de nouvelles communautés (de migrants, ou de publics multiculturels). Cet impact se traduit aussi par de très profondes recompositions démographiques et culturelles au sein des anciennes paroisses, communautés et Eglises locales.
Largement sous-étudiées pour l’instant, ces recompositions posent pourtant des défis considérables aux structures religieuses en place, face à de nouveaux publics de moins en moins enclins à se contenter de strapontins.
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